Trois expressions du Québec qui parlent d’argent
Mais dont la signification n’a rien à voir avec l’argent
DÉFI #12
Pour ce troisième article sur les expressions du Québec, je voulais trouver un thème et être moins générale que lors du premier ou du deuxième article expliquant les expressions en français du Québec.
Aujourd’hui, nous allons donc voir trois expressions qui parlent d’argent, mais dont la signification n’a absolument rien à voir avec l’argent.
Au Québec, nous utilisons beaucoup les expressions pour exprimer nos émotions et nos idées. Vous n’êtes pas obligés de les utiliser aussi fréquemment, mais vous devrez les comprendre si vous désirez véritablement converser avec les gens.
Expression #1: Virer sur un 10 cents
Tout d’abord, il faut savoir que “virer” dans le français du Québec est un synonyme de “tourner” ou “retourner”. Ainsi, “virer de bord” voudrait dire retourner quelque chose ou un retournement significatif dans nos idées.
Virer sur un 10 cents veut donc dire “Se retourner sur une pièce de 10 cents”.
Si vous observez les pièces de la monnaie canadienne, vous verrez que le 10 cents (0,10$) est la plus petite pièce; plus petite que le 0,05$ et le 0,01$. C’est donc sur cette pièce qu’il serait, de façon imagée, le plus difficile de se retourner. Il s’agirait de quelque chose de spectaculaire.
Virer sur un 10 cents signifie s’adapter (ou accepter le changement) à une situation et ce, très rapidement, avec une grande flexibilité et sans avertissement.
Exemples de l’utilisation que j’en fais dans ma vie:
- Cette expression a été utilisée au moins un million de fois pendant la pandémie. Par exemple, en parlant de l’école de mes enfants, je dis souvent “L’école a été incroyable! Lorsqu’on a compris que ça allait durer, ils ont su se virer sur un 10 cents et en 48h, l’école en ligne était complètement fonctionnelle.”
- On utilise également cette expression parfois pour souligner les capacités de résilience et d’adaptation qu’on admire chez quelqu’un. Par exemple, je peux dire: “Ha oui! Marie est tellement bonne! Peu importe ce qui lui arrive, elle est toujours capable de se virer sur un 10 cents! Je ne sais pas comment elle fait!”
Expression #2: Changer 4 trente sous pour 1 piastre
Il s’agit d’une expression seulement utilisée au Québec puisqu’elle est directement liée à notre histoire.
Tout d’abord, au niveau du vocabulaire de cette expression:
Sous: un sous est un cent, soit 0,01$.
Piastre: c’est l’ancien nom du dollar et aujourd’hui, le mot est utilisé dans le langage informel, un peu comme on dit “bucks” en anglais pour parler d’argent.
Mais là, je vous entends d’ici dire que 4 x 0.30 = 1.20$... pas 1$!
En effet! C’est parce qu’ici, on parle d’un taux de change entre deux monnaies. Lorsque le dollar canadien (qu’on appelait piastre) a été introduit au XIXe siècle, il remplaçait d’autres monnaies acceptées au Canada. Ainsi, ça prenait 4 x 30 sous français pour équivaloir une piastre canadienne.
Cette expression a donc comme signification “faire un changement qui n’apporte rien”. C’est un changement qui n’apporte ni gain, ni perte et qui fait que notre réalité reste la même. Lorsque les gens changeaient 4 trente sous français pour une piastre canadienne, leur fortune restait exactement la même.
Exemples de l’utilisation que j’en fais dans ma vie:
- On utilise beaucoup cette expression pour dire que quelque chose n’en vaut pas la peine. Par exemple, si je parle à un ami qui est malheureux à son travail et que je lui demande s’il envisage essayer de changer d’emploi, il me dit : “Non, ça serait changer 4 trente sous pour une piastre. Mon problème n’est pas mon employeur, mais mon domaine tout entier. Si je veux être plus heureux au travail, il faudrait que je change carrément de carrière.”
- Cette expression est également utilisée pour démontrer que nous n’avons pas de préférence entre deux options. Il y a plusieurs années, mon cousin et moi avions prévu de faire un voyage dans les Cinque Terre en Italie. Après quelques recherches, vu le temps de l’année où nous voulions faire ce voyage, je lui ai mentionné que le Portugal serait peut-être plus intéressant. Il m’a répondu : “Tu sais pour moi, ça serait changer 4 trente sous pour une piastre; je ne suis jamais allé en Europe alors l’un ou l’autre, tout sera nouveau!”
Expression #3: Ça prend tout mon petit change
On l’utilise aussi sous la forme "ça me prend tout mon petit change” et au passé, “ça m’a pris tout mon petit change“.
Tout d’abord, comme nous l’avons vu dans l’article sur les faux amis, le mot “change” en français du Québec est un anglicisme qui signifie de la monnaie. Si on parle de “petit change”, on parle ici des pièces avec peu de valeur comme le 0,01$, le 0,05$ ou le 0,10$.
L’expression est une analogie signifiant que pour accomplir quelque chose, nous avons dû utiliser toutes nos ressources (financières dans l’expression). On dira que quelque chose prend tout notre petit change lorsqu’il faut aller au-delà de nos peurs ou de notre stress pour accomplir quelque chose.
Exemples de l’utilisation que j’en fais dans ma vie:
- L’expression est souvent utilisée pour la déclaration de sentiment amoureux, car nous avons toujours un peu peur d’essuyer un refus. Il y a plusieurs années de cela, j’étais véritablement en amour avec mon meilleur ami. Un soir, c’était le moment parfait pour lui avouer mes sentiments. Mais honnêtement, ça m’a pris tout mon petit change parce que j’étais tellement stressée! Non seulement c’est toujours stressant d'avoir cette conversation, mais j’avais également peur de le perdre comme ami si ce n'était pas réciproque. Les deux heures avant notre rencontre, je répétais dans ma tête comment j’allais lui dire et je me préparais à toutes ses réponses possibles. Vous voulez savoir ce qu’il s’est passé? Il ne m’a pas cru, il pensait que c’était une blague… 🙄
- Dans mes premiers emplois, lors de ma jeune vingtaine, je travaillais dans le département des ventes dans un hôtel. Je faisais partie de l’équipe responsable de louer les salles pour des réunions, des mariages, etc. La direction demandait à l’un de nous d’être présent lors des jours fériés, au cas où quelqu’un profite de son congé pour faire la tournée des hôtels. Ça faisait plus d’un an et personne n’était jamais venu et puisque nous ne travaillons jamais les fins de semaine, nous nous demandions pourquoi ça prenait quelqu’un les jours fériés. Nous étions trois dans l’équipe et d’un commun accord, nous avions décidé d’en parler à la directrice générale. Malgré le fait que j’étais la plus jeune de l’équipe, j’ai été désignée comme celle qui allait le mieux faire valoir notre point et donc, que c’est moi qui devais en parler à la prochaine réunion d’équipe. Bien que ça semble anodin aujourd’hui, à l’époque, ça m’a vraiment pris tout mon petit change! Non seulement je n’ai rien entendu de ce qui s’est dit dans la réunion avant et après ma prise de parole, mais pendant que je parlais, j’ai fait une chute de pression et ça m’a encore une fois pris tout mon petit change pour continuer de parler et ne pas perdre connaissance! Aujourd’hui, j’en ris, surtout qu’on a eu nos jours fériés!
Votre défi: identifier quelle expression va avec quelle situation
Voici trois situations pour lesquelles nous pourrions utiliser les trois expressions de cet article. À vous de décider laquelle va avec chacune des situations. La réponse se trouve sur notre page Facebook.
Situation #1
Mon nouveau voisin semble célibataire. Il me plaît vraiment beaucoup, mais je ne sais pas si je vais trouver le courage de lui dire plus que “Bonjour” quand on se croise dans l’ascenseur. Mes amies me disent que je n’ai rien à perdre, mais je trouve ça gênant!
Situation #2
Après avoir reçu ma lettre d’acceptation pour l’université, j’ai tout de suite fait la demande pour une chambre dans la résidence étudiante. Bien qu’on m’avait confirmé que l’administration en avait réservé une pour moi, je viens d’apprendre que c’est une erreur de leur part. Comme nous sommes à deux jours de la rentrée, j’étais très stressée, mais heureusement, mon oncle a rapidement accepté de m’héberger le temps que je trouve un appartement.
Sitation #3
Mon patron vient de me proposer d’être transférée dans la nouvelle succursale de l’entreprise. Je ne sais pas si je dois accepter car selon moi, il y a autant de pours et de contres à faire ce changement. Par exemple, la succursale est plus près de ma maison, donc moins de temps dans les transports, mais je pense que j’ai de meilleures chances d’obtenir une promotion en restant ici. Je ne sais pas, je pense que dans les deux options j’aurais autant à gagner et à perdre en même temps.
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